L’usurpation d’identité post-mortem en France : Un enjeu économique et sociétal majeur
Ce n’est plus un secret pour personne : la France fait face à des défis économiques de taille, avec un déficit public qui a atteint 5,8 % du PIB en 2024 et une dette publique s’élevant à 113,2 % du PIB.
Ces chiffres imposent au gouvernement une quête incessante d’économies, avec un objectif de réduction de 40 à 50 milliards d’euros des dépenses publiques d’ici 2026.
Dans ce contexte budgétaire contraint, la fraude représente une fuite financière majeure, sapant les efforts de redressement. Elle est devenue une cible prioritaire, car chaque euro détourné pèse lourdement sur les finances publiques.
Les estimations de la fraude sociale s’élèvent à environ 13 milliards d’euros par an, tandis que la fraude fiscale est évaluée entre 60 et 80 milliards d’euros.
Bien que des efforts significatifs permettent de détecter et de recouvrer des sommes considérables (plus de 20 milliards d’euros pour la fraude fiscale et 2,1 milliards pour la fraude sociale en 2024), le montant total de la fraude reste colossal.
Parmi les diverses formes de fraude, l’usurpation d’identité post-mortem, bien que moins médiatisée que d’autres, constitue un phénomène insidieux et particulièrement difficile à appréhender.
Mais de quoi s’agit-il exactement ?
L’usurpation d’identité post-mortem permet à des individus malveillants de détourner des ressources publiques en exploitant l’identité de personnes décédées.
Dans cet article, IDProtect vous informe sur ce phénomène méconnu.
L’usurpation d’identité des défunts : Une réalité sordide
L’usurpation d’identité de personnes décédées, parfois appelée « ghosting », est une forme de fraude particulièrement insidieuse.
Elle ne repose pas sur la manipulation de personnes vivantes, mais sur l’exploitation des failles des systèmes de vérification d’identité et de gestion des données après un décès. Les fraudeurs tirent parti d’informations ou de comptes préexistants, ciblant notamment les établissements financiers (banques, organismes de crédit) et les administrations publiques.
Si les anciennes pratiques de revente de papiers de défunts sont devenues rares, de nouvelles formes de « ghosting » plus sophistiquées émergent constamment.
Un usurpateur peut ainsi ouvrir des comptes bancaires, souscrire des crédits, percevoir indûment des aides sociales (pensions, allocations CAF, remboursements Sécurité Sociale) ou même commettre des infractions pénales sous l’identité du défunt.
Les répercussions sont lourdes.
Pour l’État, c’est une perte financière directe.
Mais pour les familles endeuillées, le fardeau est immense. Elles se retrouvent confrontées à des contraventions inexpliquées, des relevés bancaires anormaux, et doivent prouver l’innocence de leur proche décédé.
Ce processus, souvent long et complexe (nécessitant plaintes et démarches auprès de multiples administrations), ajoute un stress émotionnel et administratif considérable, prolongeant et alourdissant le deuil. Ce coût « caché » érode la confiance des citoyens et pèse lourdement sur leur bien-être, rendant cette fraude d’autant plus grave.
La fraude aux pensions : Le phénomène des « retraités fantômes »
La fraude aux pensions, particulièrement celle impliquant des « retraités fantômes », est une illustration éloquente de l’usurpation d’identité post-mortem et de ses répercussions financières pour les systèmes de protection sociale.
Ce phénomène soulève des questions importantes sur l’efficacité des contrôles et la nécessité d’une meilleure coordination inter-organismes.
Chiffres et estimations de la fraude aux pensions
La fraude aux pensions, particulièrement celles versées à l’étranger, représente une hémorragie financière notable. La Cour des comptes a maintes fois alerté sur cette problématique, estimant que des « dizaines de millions d’euros » sont indûment versés chaque année à des « retraités fantômes », notamment en Algérie.
Bien que la fraude à la branche vieillesse soit parfois sous-estimée, des analyses plus fines révèlent des lacunes importantes. En 2020, les « fautes » sur les prestations versées par les caisses de retraite étaient estimées entre 0,1 et 0,4 milliard d’euros. Plus alarmant encore, en 2024, la Cour des comptes a constaté qu’une prestation de retraite sur dix attribuée à d’anciens salariés comportait une erreur financière, représentant un impact de 0,9 milliard d’euros sur la durée de vie des pensionnés.
Cette persistance de la fraude met en lumière des faiblesses systémiques : une inertie dans les contrôles transfrontaliers et des difficultés à mettre en œuvre des échanges de données efficaces entre pays. Les fraudeurs exploitent ces brèches connues mais complexes à résorber.
Pour y remédier, la Cour des comptes préconise une collaboration accrue entre les régimes de retraite, l’extension des échanges de données, le renforcement des sanctions, et des contrôles « sur place et sur pièces » dans les pays concernés comme l’Algérie, le Maroc et la Turquie.
Scénario 1 : La pension indue à l’étranger
Ce scénario typique implique des proches qui continuent de percevoir frauduleusement la pension d’un défunt résidant à l’étranger, tirant parti des lacunes dans la communication des décès et la vérification de l’existence des bénéficiaires.
Un exemple avéré de cette fraude est le cas d’une femme condamnée par le tribunal d’Évreux pour avoir escroqué 200 000 euros à l’État français. Elle avait continué à toucher la retraite de sa mère décédée depuis le Maroc pendant plus de 20 ans, sans jamais avoir déclaré le décès survenu en France.
Ce cas illustre la facilité avec laquelle un décès peut être dissimulé lorsque le bénéficiaire réside hors du territoire national. La concentration de ce type de fraude sur les pensions versées à l’étranger, notamment dans les pays du Maghreb et en Turquie, révèle que les fraudeurs ciblent spécifiquement les zones où les systèmes de vérification d’état civil et de communication inter-administrations sont les plus complexes ou les moins interconnectés avec la France.
La distance géographique et les cadres administratifs et juridiques distincts entre la France et ces pays créent des défis importants pour les autorités françaises lorsqu’il s’agit de vérifier le statut de vie des bénéficiaires, permettant ainsi la poursuite des paiements frauduleux.
Scénario 2 : L’abus d’homonymie et la perception frauduleuse
Ce scénario, bien que potentiellement moins fréquent aujourd’hui grâce à l’évolution des systèmes numériques, met en lumière comment une personne partageant le même nom et prénom qu’un défunt peut, par des manœuvres frauduleuses ou l’inertie des caisses, continuer à percevoir indûment une pension.
Un jugement de la Cour de cassation (Cass. crim., 25 mai 2022, n° 20-84.951) a confirmé qu’une prévenue ayant indûment touché la pension de retraite d’une personne décédée portant les mêmes nom et prénom commettait le délit d’escroquerie pour un montant total de 47.889,72 euros.
Dans cette affaire, les paiements avaient repris pendant trois ans après une double relance de la belle-fille du défunt, soulignant une regrettable inertie de la caisse concernée. L‘article 313-1 du Code pénal vise spécifiquement le faux nom, mais pour qu’il y ait fraude en cas d’abus d’homonymie, l’agent doit avoir accru le risque de confusion par des « manœuvres frauduleuses ».
Ce cas d’abus d’homonymie met en évidence la vulnérabilité des systèmes qui s’appuient sur des vérifications manuelles ou des correspondances de données incomplètes, telles que le simple nom et prénom. L’inertie des caisses, même après avoir été alertées, est un symptôme d’un manque de processus automatisés et réactifs.
La fraude électorale : Le risque du vote des défunts
L’intégrité des processus électoraux est un pilier de la démocratie. La présence de personnes décédées sur les listes électorales, et la possibilité que leur identité soit exploitée pour voter, représentent une menace sérieuse pour la sincérité de ces scrutins.
Bien que les cas avérés de votes de défunts aux élections nationales en France soient rares et peu documentés publiquement, le risque est réel si les listes électorales ne sont pas méticuleusement tenues à jour.
L’affaire de la primaire Les Républicains de 2021 a mis en lumière cette vulnérabilité, notamment après une enquête de Libération.
Parmi les adhérents ayant « voté », le quotidien avait alors identifié des profils curieux, dont un chien et surtout, « au moins trois personnes censées avoir rejoint le parti après leur décès ».
Bien que le parti ait affirmé avoir exclu plus de 9 000 adhérents après vérification, cette affaire illustre la facilité avec laquelle des identités, y compris celles de défunts, peuvent être utilisées dans des processus de vote moins strictement encadrés que les élections officielles.
Autre cas plus ancien : l’affaire Jean Tiberi, ancien maire de Paris, illustre l’un des cas les plus médiatisés d’irrégularités électorales liées à l’usurpation d’identité de personnes décédées.
Dans les années 1990, plusieurs enquêtes ont révélé que des électeurs fictifs, disparus ou morts figuraient encore sur les listes électorales du 5e arrondissement de Paris.
Ces irrégularités ont permis de gonfler artificiellement le nombre de soutiens électoraux, favorisant ainsi la réélection de Tiberi et de ses alliés. Bien qu’aucune preuve formelle ne confirme que des morts aient réellement voté, la présence de noms non légitimes sur les listes a suffi à déclencher une procédure judiciaire.
En 2013, Jean Tiberi et son épouse ont été condamnés pour avoir organisé ou toléré ces manipulations, révélant un usage détourné des identités de personnes décédées à des fins politiques.
Conseils pratiques pour protéger l’identité des défunts
La vigilance des proches est essentielle pour minimiser les risques d’usurpation d’identité après un décès.
Voici des mesures clés à prendre pour protéger l’identité de vos proches disparus :
- Déclarer le décès sans délai et à toutes les entités concernées : Au-delà de la mairie, informez rapidement la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM), les caisses de retraite (principale et complémentaires), les banques, les compagnies d’assurance, les mutuelles, l’administration fiscale, Pôle Emploi (si concerné), et les fournisseurs de services (eau, électricité, gaz, internet, téléphone). Chaque organisme doit être notifié pour cesser les paiements ou services et clore les comptes.
- Gérer les comptes bancaires et financiers :
- Informez toutes les banques où le défunt possédait des comptes. Demandez la clôture des comptes courants et d’épargne.
- Annulez toutes les cartes bancaires et chéquiers liés au défunt.
- Surveillez les relevés bancaires des mois suivant le décès pour détecter toute activité suspecte.
- Annuler les abonnements et services : Résiliez tous les abonnements (téléphone, internet, presse, salles de sport, etc.) et les services (électricité, gaz, eau) au nom du défunt.
- Protéger les documents d’identité : Conservez les documents d’identité du défunt (carte d’identité, passeport, permis de conduire) en lieu sûr. Ne les jetez pas n’importe comment pour éviter qu’ils ne tombent entre de mauvaises mains.
- Gérer la présence numérique :
- Si possible, désactivez ou « mémorisez » les comptes de réseaux sociaux du défunt.
- Supprimez les adresses e-mail ou configurez des réponses automatiques pour informer du décès.
- Soyez vigilant face aux tentatives de phishing ou aux demandes d’informations concernant le défunt via e-mail ou téléphone.
- Surveiller les courriers et les communications : Soyez attentif à tout courrier ou appel téléphonique inhabituel au nom du défunt, en particulier s’il s’agit de demandes de paiement, d’offres de crédit ou d’informations personnelles.
- Envisager un service de protection d’identité post-mortem : Des entreprises spécialisées comme ID-Protect.fr peuvent offrir des services de surveillance et de protection de l’identité des défunts, aidant les familles à gérer les démarches administratives et à détecter les tentatives d’usurpation. Nos services peuvent apporter une tranquillité d’esprit précieuse dans une période déjà difficile.
Conclusion
L’usurpation d’identité post-mortem, bien que moins visible que d’autres formes de fraude, constitue un enjeu éthique, financier et social majeur. Elle touche à la mémoire des défunts, au bien-être des familles et à la soutenabilité des comptes publics. Alors que l’État renforce ses contrôles et que les dispositifs de lutte contre la fraude se modernisent, la vigilance individuelle reste un rempart crucial.
Informer, signaler, sécuriser : tels sont les réflexes à adopter.
Chez IDProtect, nous nous engageons à sensibiliser et accompagner les citoyens face à ces menaces silencieuses. Parce qu’honorer la mémoire d’un proche, c’est aussi protéger son identité.